Les démocraties libérales contemporaines sont des sociétés plurielles : diversité des cultures, des religions, des croyances, des philosophies, des options politiques et idéologiques. Les différents ensembles qui constituent cette diversité ne sont pas des blocs rigides, mais ils se divisent et les alliances se recomposent en fonction des multiples débats, souvent conflictuels, qui traversent la société (sur les religions, la politique, les biotechnologies, la fin de vie, la famille, la santé, les nouvelles technologies...).
Dans ces conditions, la neutralité de l’Etat est en principe garante du pluralisme et de la démocratie : à l’école, d’abord, avec l’exigence d’impartialité des professeurs dans l’enseignement des questions conflictuelles ; dans la société, ensuite, avec la laïcité et la neutralité de l’Etat vis-à-vis des religions ; et plus largement enfin, dans l’ensemble des institutions publiques (neutralité des armées, de la justice, des administrations…)
Mais la neutralité est une valeur souvent dénigrée. On lui oppose d’abord une objection de possibilité (la neutralité et l’impartialité sont-elles possibles ?) et ensuite une objection de légitimité (la neutralité n’est-elle pas le refuge de la médiocrité de ceux qui refusent de choisir leur camp, par lâcheté ou par intérêt, alors que ceux qui s’engagent, pour des idées ou pour une cause, font preuve, au contraire, de courage et de passions ? L’Etat peut-il, par ailleurs, imposer à ses fonctionnaires une attitude de neutralité quand elle vient heurter leur liberté de conscience et leur liberté d’expression ?)
Malgré toutes ces objections, l’objet de cette conférence sera de proposer une défense de la neutralité comme valeur démocratique, dans l’enseignement, dans la société et dans les institutions, tout en mettant en évidence les difficultés de sa mise en œuvre pour que soit possible l’unité dans la diversité.